La Petite Gamberge

Redécouvertes

ISBN: 9782842638672

Genre: Roman

Date de parution: 12/10/2016

Nombre de pages: 176

Couverture : 1948 © Succession Willy Ronis/Diffusion agence Rapho

Prix: 17€

Préface de: Olivier Bailly

La Petite Gamberge

Redécouvertes

Paru aux éditions Denoël en 1961, La Petite Gamberge c’est l’histoire de Bouboule et sa bande : Le Manchot, Pierrot la Tenaille, la Douleur et Roger. Ces cinq malfrats respectés du quartier tiennent leurs assises à La Bonne Treille, un troquet en pente de la rue de la montagne Sainte-Geneviève. 

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Résumé :

Ils seront donc cinq ! Comme les jeudis de LA semaine ou les heures de la Marquise, cinq qui tiennent comme grains en grappe à leur poisseuse table de La Bonne Treille, une rade de la montagne Sainte-Geneviève, qui leur sert de rocher à moules, de quartier général et d’abreuvoir. Alors, j’énumère : lui, c’est Bouboule, le cogito de la bande, le cérébré du quintette, l’autre c’est la Tenaille, fringante jeunesse, voilà en trois la Douleur, camionneur, suit le Manchot, comme son ombre l’indique, on clôt avec Robert dit Robert. Un bel équipage qui fait honneur à l’établissement, des zigues affûtés, hauts en truandaille et madrés en diable. À l’issue d’un coup d’élite en bordure de Seine, de quoi se voir retraité, Robert se fait poisser, panique chez les messeigneurs-la-pince qui s’égaillent d’autant que Pierrot a marié une goualeuse et la Douleur joue les obligés du volant avec les gens des puces. Qui a fait quoi ? Qui doit payer ? Une histoire d’hommes, sombre à souhait, où il n’y a pas que les rues qui soient en pente. Paru chez Denoël l’année 1961, deuxième roman du Limougeaud Robert Giraud, cette Petite Gamberge vaut moins pour l’intrigue qui là sert d’espalier, que pour la flamboyante vigne vierge poétique qui se déploie dans le livre, un lierre de mots qui enserre au plus près le mystère de Paris ; avec Giraud, Paris se hume, se scrute, se savoure, se lampe à longs traits, lumières, parfums, cadences, silhouettes, tout fait brin dans cet herbier urbain proche des dérades d’un Yonnet, d’un Fargue ou d’un Calet. Alors, chaussez solide, le paysan de Paris a la foulée ample et la rêverie au long cours. Pour ceux qui ont besoin d’un guide, Olivier Bailly, impeccable préfacier, a fléché le parcours et sous-titré les plaques de rues, donc pas d’excuse !

On en parle :

 

Buveurs et voleurs de rêves 
Parce qu’il aimait l’embrasement que lui procuraient les mots et le vin, Robert Giraud (1921-1997) eut tôt fait de mettre "sa peau sur la table". Entendez qu’il ne biseauta pas les cartes lorsqu’il se risqua à abattre son jeu. De sorte que son premier mérite fut de créer hardiment sa propre musique entre mélodies populaires et bel canto. Son goût de l’argot, qui lui servait de code dans son quotidien, ne le transforma pas en effet en imitateur de la phrase célinienne (même s’il l’aimait). Il fuyait les points de suspension, leur préférant les phrases tirées au cordeau, et c’est ainsi qu’il devint un irremplaçable rêveur, comme l’atteste la réédition de "La Petite Gamberge", roman à nul autre pareil. Parue voilà plus de cinquante ans (en 1961), cette chronique douceamère d’une bande de voleurs à la petite semaine dans le Paris (et sa banlieue) des années d’avant les Trente Glorieuses n’est pas sans évoquer le noir et blanc des Photomaton. À ceci près, cependant, que la fatalité ici n’est pas une excuse, elle est inhérente à la vie comme elle va, aussi boit-on volontiers à sa santé. Tout cela est d’ailleurs bien dit dans la préface que signe Olivier Bailly, le meilleur connaisseur de l’oeuvre et de la vie de Robert Giraud (on ne saurait trop recommander aux esprits curieux de se plonger dans la biographie qu’il lui a consacrée en 2009, "Monsieur Bob", Stock). Mais me pardonnera-t-il, cet aimable passeur, de lui faire remarquer que "La Petite Gamberge", par sa richesse d’expression, se rattache aux "Biffins de Gonesse", un roman gouleyant de Jacques Perret sorti, lui aussi, des presses en 1961. Certes, Giraud était un greffier et un voyant de tendance libertaire, tandis que Perret se disait monarchiste tendance mérovingien. Il n’empêche que l’un et l’autre, en plus d’avoir été des résistants dans la vraie vie, se refusaient aux lieux communs quand ils faisaient chanter leurs pages.
Gérard Guégan, SUD OUEST, 16 octobre 2016

Tiens, puisqu’on parle de Giraud, Le Dilettante réédite ces jours-ci La Petite Gamberge (1961), son deuxième roman : un aimable polar à la Fallet, où l’intrigue compte moins que l’ambiance, la galerie de personnages et le tableau du " milieu ". Une partie du livre se déroule à la Bonne Treille, un troquet de Sainte-Geneviève peuplé de clochards et de voyous sympathiques. Fictif, évidemment. Le troquet de Giraud n’existe pas. Ceux de Yonnet n’existent plus…
Bernard Quiriny, L’OPINION, 11 octobre 2016


ROBERT GIRAUD LE JAJA ET LA JACTANCE
Retour sur l’oeuvre d’un écrivain trop peu connu, expert ès argot et bistrots, à l’occasion de la réédition de son roman La Petite Gamberge.

Des écrivains comme Robert Giraud, alias Bob ou Monsieur Bob, ont au bout du compte une postérité enviable. À défaut d’occuper la première place, ou même la dernière dans les manuels de littérature, leur nom circule comme un mot de passe entre initiés, mais des initiés qui ne demandent qu’à partager leur enthousiasme. Tout comme Robert Giraud, navigateur au long cours des zincs parisiens de l’après-guerre, aimait partager un dernier verre pour la route avec Albert Vidalie ou Pierre Mac Orlan. Ce fameux dernier verre dont Deleuze nous a appris dans son Abécédaire que pour l’ivrogne, ce n’est jamais le dernier, mais l’avant-dernier, car le dernier verre signifierait la mort du buveur. Et Robert Giraud n’est pas mort puisque par les soins de son biographe attitré, Olivier Bailly1, il revient aujourd’hui avec un roman, La Petite Gamberge, introuvable depuis sa première édition chez Denoël en 1961.

Robert Giraud avait deux passions jumelles : le vin et l’argot, les bistrots et la langue verte, le jaja et la jactance. Comme ses amis Alphonse Boudard et Auguste Le Breton, il devint un académicien du pavé et des basfonds travaillant à des dictionnaires bien particuliers : son Argot d’Éros, son Argot du bistrot et sa Faune et Flore argotiques font autorité en la matière et prouvent au passage l’érudition du bonhomme qui trouve ses citations chez les auteurs de polar comme A.D.G. un autre pote , mais aussi Balzac, Brantôme, Restif de La Bretonne ou Villon, évidemment, le premier à avoir donné ses lettres de noblesse à la langue des truands, petits et grands, qui sont d’ailleurs les personnages principaux de La Petite Gamberge.

Le nom de Robert Giraud, disparu en 1997, reste envers et contre tout attaché au tournant des années 19401950, au Paris de la rue Mouffetard, des Halles et de Saint-Germain-des-Prés. C’est dans ce que Debord appelait les cafés de la jeunesse perdue que Robert Giraud décida de ne pas retourner à Limoges où il était né en 1921. Étudiant en droit, il était entré assez vite dans la Résistance pour échapper au STO, avant d’être fait prisonnier par la Milice et libéré in extremis en 1944 par Guingouin, le " préfet du maquis ", qui gagna la seule bataille rangée contre l’armée allemande, au mont Gargan, sur le plateau de Millevaches.

Giraud était venu à Paris comme jeune rédacteur en chef du journal Unir, issu de la Résistance limousine, qui avait décidé de s’installer dans la capitale. L’affaire fit long feu, les journalistes reprirent le train pour Limoges, sauf Giraud qui trouva dans Paris une occasion rêvée pour mener la seule existence dont il avait désormais envie, celle d’un irrégulier des trocsons, d’un maquisard des tavernes où le gorgeon de picrate, tout de même moins dangereux sur le court terme, avait remplacé la Sten et les grenades. Ce sont pour Bob des années paradoxales, où l’émerveillement côtoie le sordide. Il est pigiste occasionnel, brocanteur, bouquiniste. Il n’a publié que quelques plaquettes de poésie mais la fraternité des buveurs lui donne des amis de choix parmi lesquels Jacques Prévert, Blaise Cendrars et surtout Robert Doisneau, qui a si souvent donné des images à ses mots.

Giraud vit alors dans la misère, et c’est de l’intérieur qu’il a pu décrire tout un petit peuple parisien à l’existence précaire dans la IVe République balbutiante. Ayant passé plusieurs années à la limite de la clochardisation, il a donné par la suite deux témoignages irremplaçables que sont Le Vin des rues et Le Peuple des berges. Reportages inspirés, ballades dans les marges, Polaroids de la misère, Robert Giraud n’est pas dans ces livres sans faire penser au George Orwell du Quai de Wigan ou de Dans la dèche à Paris et à Londres. Même précision presque ethnologique, même intelligence dans l’immersion, même regard fraternel. À cette différence que là où Orwell laisse poindre une manière de rage froide, il y a chez Giraud une forme de douceur. Il ne mythifie pourtant à aucun moment le clochard dans une poésie facile et évite ainsi le risque du pittoresque souriant, assez ignoble au demeurant, qui donne bonne conscience au bourgeois ou à l’intellectuel ou au journaliste de gauche.

Sa distance vis-à-vis des voyous est toujours celle qu’il faut, ce qui n’était pas forcément le cas chez Boudard ou Le Breton.

C’est en ce sens que son oeuvre est unique encore aujourd’hui, trouvant un point d’équilibre pour parler de la pauvreté ou, comme dans La Petite Gamberge, des troisièmes couteaux du milieu. Sa distance est toujours celle qu’il faut, ce qui n’était pas forcément le cas chez ses contemporains qui ont, rétrospectivement, un peu trop joué du folklore pour ne pas paraître vieillis, Boudard et Le Breton compris.

La Petite Gamberge est une fausse " Série noire ", un roman sur les gagne-petit de la cambriole. Comme tous les livres de Giraud, au-delà de l’intrigue policière, il vaut pour l’atmosphère et en particulier celle du centre magnétique du roman, le bistrot-épicerie À la bonne treille. C’est de là que partent les expéditions hasardeuses, que naissent les romances éphémères, qu’on entend les accordéons entêtants, les récits épiques et dérisoires. Vous trouverez d’ailleurs À la Bonne treille assez facilement. Giraud connaît son Paris sur le bout des doigts : " La porte s’ouvrait sur le trottoir grimpant de la montagne Sainte-Geneviève, presque en son milieu, point particulièrement stratégique, à la fois pour ceux qui tentaient l’escalade et qui trouvaient là un havre où souffler, et pour ceux qui descendaient, trop heureux en cours d’expédition de pouvoir traîner les pieds sur un carrelage horizontal. "

Oui, vous le trouverez facilement, bien qu’il n’ait jamais existé. Robert Giraud, qui avait tellement fréquenté de vrais bistrots comme Le Bar Bac, Moineau, Fraysse ou Les Quatre Sergents de la Rochelle, pouvait bien s’offrir le privilège d’en inventer un faux. Et ce, pour mieux nous inviter avec lui dans un roman qui est, par son étrange réalisme onirique et son art de l’errance immobile, une introduction idéale à toute son oeuvre. ·

Jérôme Leroy, CAUSEUR, 4 octobre 2016 

 

ILS EN ONT ÉGALEMENT PARLÉ 

Christine Ferniot, LIRE, dec 2016 – A lire avec soif dans un bistrot parisien, devant un petit ballon de rouge (…) Alors, rendez-vous dans ce Paris des provinces pour gamberger et trinquer de bon cœur en hommage à ces poètes du bitume. 

 

LE POPULAIRE DU CENTRE, 28 novembre 2016 –  Il est arrivé avec le Beaujolais nouveau et ça n’aurait pas déplu à l’auteur du Vin des rues .La Petite Gamberge va satisfaire la curiosité de tous ceux qui aiment l’atmosphère des photos de Doisneau, celle des lendemains de la Libération, dans le Paris des Halles, des boulevards, de la rue Mouffetard.  Le Paris d’une intense vie populaire, des quartiers glauques, des tatoués et des trimardeurs, des petits trafics et des filles qui tapinent derrière Topol, des chiffonniers, clochards et mendigots… comme le souligne dans sa préface, Olivier Bailly.  


Bruno Frappat, LA CROIX, 24 novembre 2016 – Le club des cinq (malfrats)  Ils sont cinq dans cette France en noir et blanc du début des années cinquante. Elle ressemble à s’y méprendre à la France des années trente et quarante quand le cinéma réaliste faisait passer sur le pays, très occupé par ses soucis, un vent de "populo" gouailleur et des "beaux yeux, tu sais" parmi des "gueules d’atmosphère" (…) C’est un roman de la méfiance, cette maladie de l’âme qui affecte les plus solides au moment où ils s’y attendent le moins. L’affaire est anodine par son début, tragique par sa fin. Ce petit livre à déguster comme un bon petit verre bu à la terrasse d’un café n’est sans doute pas un chef-d’œuvre de la littérature mondiale mais il constitue une occasion de délassement simple auquel tout lecteur, fatigué par la gravité de notre temps, a le droit de se livrer. C’est aussi une lecture-flânerie dans un Paris qui n’est plus. 


Nicolas André, LA VOIX DU NORD, 18 octobre 2016  – Quelle plume ! Robert Giraud a laissé à sa mort, en 1997, le témoignage touchant du Paris des petits, des sans dents de l’après-guerre, si l’on peut oser cette expression. De la gouaille, des sentiments… Une écriture simple et directe et quelques uppercuts. Cet ancien journaliste, chroniqueur à France Soir, a connu la renommée littéraire à la fin des années cinquante. Dans ce roman il observe avec compassion cette faune avinée des mendigots qui fréquentent les bistrots, peuplent les Halles, la Mouffetard… Fripiers, tatoués, chiffonniers, saisonniers… Un temps que les jeunes de cinquante ans ne peuvent même pas connaître.