Résumé :
Graff a du goût pour les hommes-bonzaïs, les êtres qui se travaillent à la main, se jardinent à mort, dedans et dehors. Son précédent roman, Il est des nôtres, parlait d’un homme s’abêtissant avec méthode, Les Jours heureux campent un sujet qui goûte d’entrer tôt dans une suave et paisible agonie. Faire de sa vie une longue et calme parenthèse, se survivre en “faisant la planche”, se reclure au calme dans une sorte d’absence douceâtre, s’abonner à un néant livrable au quotidien.
On comprend un jour, à dix-huit ans, que tout est dit, déjà joué. Alors on marque le coup et on s’offre un faire-part en marbre, on se commande un caveau dont on fixe la dalle, jour après jour. De se marier, de faire deux enfants, n’y changera rien. Le héros de Laurent Graff décide de se retrancher du cours des choses, d’intégrer un espace de limbes paisibles où il écoutera se déliter la petite mécanique de la vie. Bref, à trente-cinq ans, dans la force de l’âge, il rentre à l’hospice et s’offre au banc de bois. Petit radeau champêtre qui, chaque jour, le réceptionne en compagnie d’Alzheimer, l’anonyme au cerveau carié. Et puis il regarde, jouit du spectacle de la vie en bout de quai : le doux-dingue qui fait du jogging, l’infirmière qui le chevauche en douce, la visite du politicard bruyant venu quêter des voix, le magicien de la fête du nouvel an. Malgré tout, une cause apparaît : Mireille, qu’il aide à mourir, emmène voir la mer.
Puis arrive le jour où on est rattrapé par son rêve…
Les jours heureux auront été coulés, et par grand fond.
On en parle :
Les idées noires, l’amertume, la dépression sont des carburants qui depuis la nuit des temps alimentent la littérature, pour le pire et le meilleur. Quand un Michel Houellebecq ronronne à la provoc crasse, Laurent Graff, lui, carbure au désespoir vivifiant. (…) Il a l’écriture gracieuse et irrévérencieuse. Un comble… Alors qu’enfin il repose en paix, l’écrivain du malheur, heureux sur son banc, à regarder monter un succès mérité. Et puis, surtout, qu’il ne nous oublie pas du fond de ses béatitudes. Qu’il nous fasse encore rire avec son désespoir !
Martine Laval, Télérama, 3 octobre 2001.
Entretien vidéo sur le site lire.fr
Laurent Graff observe, drôlement. Il est aux avant-postes, a une longueur d’avance et nous fait profiter de son expérience. Il tente de saisir l’insaisissable, d’entrevoir un destin, un chemin, une perspective au-delà de ce qui lui est donné de voir. Si vous aimez l’humour noir, un style ciselé, poussez la porte de cette maison sombrement rieuse où les comportements et situations sont épinglés avec intelligence et joyeuseté. Les réflexions philosophiques cachées sous le mordant – et parfois la cruauté – vous feront peut-être croquer la vie autrement.
Pascale Arguedas, Calou, l’ivre de lecture.