Résumé :
Celui qui croyait se divertir entre amis au spectacle notoire d’un doux dingue des lettres se retrouve piégé, pire qu’un moucheron dans l’étau poisseux d’une plante carnivore. Le narrateur de L’Épris littéraire, jeune auteur démuni, se laisse entraîner à visiter l’appartement où vit reclus, servi par une digne copie de sa bonne Céleste, un authentique clone de Marcel Proust. De fait, rien ne manque : calfeutrage, tisane, manuscrits épars, physique déconfit, quintes de toux et mobilier d’époque. L’endroit se visite comme une étape touristique dont il devient un habitué. Mais c’est sur Céleste que notre romancier, aussi charitable qu’en panne d’inspiration, ne tarde pas à braquer ses regards ; une Céleste boiteuse, tatoué et silencieuse. Il en devient l’amant et bien plus encore, au point de n’être plus, à force d’empathie et de candeur, que l’objet soumis d’un processus pervers.
Telle est la leçon du petit théâtre de la cruauté que nous sert sur un plateau Julien Leschiera qui, avec l’impitoyable rigueur d’un Polanski et le ritualisme glaçant d’un Buñuel, exhibe l’asservissement psychique d’un individu consentant, passant du statut de simple visiteur au rôle de victime jetée en pâture au machiavélisme méticuleux d’une créature pitoyable et sadique. Autant Mes vies parallèles, son premier roman au Dilettante, récit des tribulations affectives et sociales d’un ectoplasme placide, relevait d’un burlesque relatif, autant ce second récit étreint le lecteur avec l’inexorable patience d’un sable mouvant, l’appétit effroyable du boa qui engloutit la chèvre : le roman hallucinant d’une dévoration psychologique.